The private eye par Brian K. Vaughan et Marcos Martin

The private eye - urban comics2026. Le web accessible à tous, chaque donnée, chaque photo, chaque recherche devient publique, tout le monde sait tout sur tout.

50 ans plus tard. Internet est mort. La vie privée est devenue le bien le plus précieux.

 

 

 

Alors, dans ce merveilleux comics, les gens se cachent. Joyeusement. Derrière des masques bariolés, des tenues extravagantes, des étoles chatoyantes. Un joyeux charivari dans les rues de ce monde post-Internet où se croisent les inconnu·e·s, incognitos.

The private eye - urban comics

pitchPetit pitch.
Dans cette foule, XXX a trouvé un moyen de se faire de l’argent : s’informer. Détective privé, il suit ses « cibles » et les photographie avant de vendre les informations ainsi glanées à ses clients. Mais bien sûr, un jour, ca tourne mal.

 

Dans ce comics, le dessin et les couleurs en aplat vous explosent à la figure comme une farandole bigarrée infernale. Les costumes évoquent tout de suite l’univers des super-héros·ïnes américain·e·s, tout comme les vues en plongée et en contre plongée sur les buildings de la ville sous des ciels fantasmagoriques et éclatants.

The private eye - urban comics

Côté scénario, Brian K. Vaughan nous offre un bijou d’anticipation féroce, ironique et sans concession sur la nature humaine. Mais c’est aussi, comme souvent avec Vaughan, une ode à la complexité des humains et aux ressources qui existent, quelque part, si on se donne la peine de les mériter (ou alors c’est moi qui voit ça parce que j’ai une foi inconditionnelle dans l’humain et les personnages de bande-dessinée, who knows?)

Bref un excellent comics qui vous happe dans ce futur qui ne paraît pas si loin, pas si différent, et pourtant! A lire absolument!

Scénario : Brian K. Vaughan
Dessin : Martin Marcos
Couleurs : Vicente Muntsa
Lettrage : Christophe Semal Laurence Hingray
Traduction : Jérémy Manesse

Shangri-la, par Mathieu Bablet

MAthieu Bablet/Ankama/photo ALH

Mathieu Bablet/AnkamaDystopie, space-opéra, pamphlet … difficile de définir l’immense BD, Shangri-la, de Mathieu Bablet en un seul mot.

Shangri-La est une épopée moderne racontée presqu’entièrement en huis clos dans un satellite tout de fer et d’acier suspendu au dessus de la terre
– rendue inhabitable par les hommes – où l’entreprise Thianzu contrôle chaque espace, chaque moment, chaque parcelle de la vie des habitants. Intéressant, ce contrôle ne s’effectue pas par la force, ou la peur, mais par .. la consommation. Chaque membre de la communauté travaille pour Thianzu, ce travail lui permet de gagner de l’argent, avec lequel il peut acheter des produits Thianzu. Il finance ainsi l’entreprise et peut garder son emploi.

Scott, un des héros, reconnaît l’efficacité de ce système, il est efficient, pacifique et personne ne t’oblige réellement (verbalement ou physiquement) à acheter quoi que ce soit. Seulement, les téléphones, outils domestiques, et autres appareils sont régulièrement rendus obsolètes du fait de mise à jours capables de ne s’installer que sur les modèles les plus récents. Une obsolescence programmée organisant en sous main la dépendance de la population aux produits de l’entreprise « régnante ».

Mathieu Bablet/Ankama

Au sein de cette société contrôlée par la consommation, une résistance émerge. Face à la volonté de quelques scientifiques de créer de toute pièce une nouvelle espèce humaine, face à l’absence de ciel, de soleil, face au désir humain de retrouver la vie sur une véritable planète. Shangri-la, c’est l’histoire de ces résistances, multiples, humaines, à tâtons.

Ce qui m’a vraiment impressionnée dans cette BD, c’est la capacité de l’auteur à mêler de multiples enjeux et paradoxes, à créer au fil des cases une société véritablement complexe. Il y intègre le racisme (envers les « animoïdes » qui ne sont « pas comme nous »); la peur de la nouveauté et la jalousie (avec le projet de créer de nouveaux humains), l’instrumentalisation de l’image et le sexisme (avec des affiches immenses où des femmes nues, retouchées au corps instrumentalisé hors de toute réalité vantent les mérite du dernier téléphone sorti ou affichent un nouveau « porte gobelet » devant leur entrejambe), le consumérisme avec les slogans comme « acheter, utiliser, acheter encore » mais aussi le rôle et la responsabilité des médias outil d’information ou de manipulation, l’effet de masse qui entraîne et réconforte mais annihile souvent la réflexion individuelle, …
Même la résistance est multiple et complexe, les protagonistes ne savent pas contre ni pour quoi ils se battent concrètement, ils veulent avoir le choix, avoir l’impression qu’autre chose est possible.

Mathieu Bablet/Ankama

Enfin le dessin, précis, parfois brutal, Mathieu Bablet nous emporte dans l’espace dès les premières pages, mais c’est pour nous plonger immédiatement après dans un paysage urbain de lumière artificielle où le lecteur ne trouve aucune échappatoire au regard. Les traits sont fins, les couleurs souvent en camaïeu de bleu (allégorie de la froideur et de la dépersonnalisation ? Couleur sans vie du métal? Signe d’absence de lumière naturelle ?) les pages alternent dessins d’une page entière où le lecteur plonge entièrement et cases qui s’enchaînent le temps d’une action.

Le tout dans un univers spatial sauvage avec ses satellites abandonnés, son soleil, le risque des supernovas, et une vue prenante sur la terre. Si bleue vue de loin. Un peu de poésie dans ce monde de brutes ! Mais le rêve, lui, est à l’extérieur.

Scénario : Mathieu Bablet
Dessin : Mathieu Bablet
Éditeur : Ankama Éditions
220 p. ; 19,90 €.

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