Contes noirs qui vous aspirent dans les profondeur encrées d’une mafia parisienne mystérieuse aux bras interminables : la Pieuvre. Gess nous entraîne dans les avenues et les ruelles d’un Paris du début du XXe siècle aux lignes à la fois réalistes et réinventées, dans une ambiance fantastique en bordure de réalité. Son dessin d’une immense précision donne vie à la ville, ses ruelles sombres, sa noblesse haussmannienne, ses canaux surpeuplés, ses habitant.e.s presque toujours dépassé.e.s.
À ce jour, deux contes ont été publiés: La malédiction de Gustave Babel (déjà chroniqué par ici) et Un destin de trouveur qui n’a rien a envier à son prédécesseur et nous entraine encore plus profondément dans les manigances de La Pieuvre au cœur d’un Paris torturé. Comme l’histoire de Gustave Babel se mêlait au Spleen de Paris de Charles Baudelaire au fil des pages, celle d’Émile Farges croise les écrits de Jean-Jacques Rousseau sur l’homme libre et la nature. Moins mélancolique ce deuxième texte développe une fibre plus sociale.
– Qui es-tu ?
– Je m’appelle Émile Farges
– Et ?
– J’ai un Talent, je suis un Trouveur.
– Comment ça?
– Le plus souvent je jette un caillou sur un plan et il tombe à l’endroit où se trouve la personne ou la chose à laquelle je pense.
– Et à quoi te sert ce Talent ?
– Je retrouve des personnes disparues, et des criminels. Je travaille pour la police… et pour les Sœurs de l’Ubiquité.
– Les Sœurs de l’Ubiquité ?
– Une bande de féministes anarchistes qui essaient de protéger les prostituées des hommes trop violents.
– D’accord et où est le problème ?
– La Pieuvre a enlevé ma compagne et notre fille pour m’obliger à travailler pour eux.
– La Pieuvre ?
– Une mafia parisienne… et c’est jamais simple avec eux…
4e de couverture d'Un destin de Trouveur par Gess.
Un destin de Trouveur, nous permet d’en apprendre plus sur les Talents, ces capacités hors normes dont les personnages de Gess sont dôtés. Ces Talents peuvent évoquer les « pouvoirs » des mutants de Xmen mais ils sont présentés ici comme des capacités humaines surdéveloppées. Un don en quelque sorte comme pour la musique ou le football. Le Trouveur donc peut trouver des personnes, des objets, des criminels mais aussi des trésors, … La question qui se pose à lui : quel usage compte-t-il faire de ce Talent? Et y parviendra t’il ?
À travers le personnage de l’inspecteur Anjou, collègue du Trouveur, Gess interroge les Talents, la jalousie des « simples humains », l’ambivalence de ces capacités extraordinaires. Le Trouveur se pose ces questions quotidiennement, suivant comme une boussole les paroles de son père :
« En quoi cela est-il bon? »
Mais la vie est compliqué, ce qui est bon peut être inatteignable par des moyens entièrement justes, l’amour ou la colère peuvent aveugler la justice, les circonstances prennent parfois le pas sur la destination. Et le Trouveur en fera l’expérience lors de sa quête pour retrouver sa compagne et sa fille aux prises avec La Pieuvre qui veut s’accaparer son Talent.
Dans cette bédé construite comme un polar haletant, Gess introduit des personnages hauts en couleurs. On retrouve la Bouche ou le Nez, membres éminents de La Pieuvre, mais on découvre aussi les Sœurs de l’Ubiquité, l’esprit de justice et de sororité chevillé au corps, on tremble devant la réputation du saigneur et on reste ébahi devant l’histoire de La Bête, inadaptée au monde des humains.
Un scénario palpitant servi par un dessin d’une précision fantastique qui s’empare du lecteur et de la lectrice pour les laisser 200 pages plus tard pantois et avides de découvrir les autres contes de la Pieuvre, leurs Talents, leurs personnages, leurs secrets parfois seulement ébauchés au fil des pages de ce deuxième opus. A lire absolument !!!
Ps : Les deux livres La malédiction de Gustave Babel et Un destin de Trouveur peuvent se lire séparément sans aucun problème de compréhension.
Scénario, dessin, couleurs : GESS
Édition : Delcourt
Collection : Machination
222 p.