Mère et féministe – Les ateliers d’Alice

Cette année, j’écris. Écrire c’est maintenant (comme le changement) ce que je veux dire c’est que depuis deux ans prévoir est devenu un peu compliqué. Donc les projets se bousculent meurent avant d’exister vraiment s’improvisent à la dernière minute, s’annulent en cours de route, se transforment, fatiguent. J’ai l’impression que le gouvernement prend des décisions comme un parent d’adolescent et que j’ai à nouveau 15 ans ne pigeant rien aux règles essayant de les appliquer ou les interpréter librement selon les moments. Bref cette année j’écris avec l’atelier des mères d’Alice. Ah oui parce que je suis mère aussi (si bizarre à écrire, j’ai l’impression d’être entrée dans les ordres – et dans ce scénario je suis la boss évidemment la mère est supérieure n’est ce pas.)
Donc en atelier on a écrit sur le thème mère et féministe et ça m’a donné envie de recommencer à écrire ici. Je précise juste que ce texte est un ressenti, un récit personnel de mon point de vue de femme cis het blanche privilégiée et féministe. Il n’a pas vocation à être autre chose qu’un témoignage, une envie de sortir la rage, le bonheur, le bordel de ma tête pour les mettre plutôt ici (c’est cadeau c’est pour moi).
Si tu as fini ce prologue géant et que tu as encore un peu de temps, les vrais bails commencent ci après comme on dit dans les textes chics.

Je suis féministe et je voudrais dire à mon enfant que….
Ça c’est la consigne.

Je suis féministe et je voudrais dire à mon enfant qu’être une femme c’est génial et … ça ne veut rien dire.
Être une femme ce n’est pas être douce être forte, être adulée ou rabaissée. Être une femme ce n’est pas porter des talons, jouer au volley en culotte, avoir les cheveux courts ou long, être charmante ou hystérique. Être une femme ce n’est pas longer les murs la nuit ou danser tête haute dans une robe d’été. Ce n’est pas aimer les sciences molle parce qu’on est sensible ou avoir à prouver qu’on ne l’est pas. Être une femme ce n’est pas voir ses larmes décrédibilisées, sa colère diminuée, sa rage étouffée. Ce n’est pas aimer le rose, les fleurs, le thé. Être femme ce n’est pas être victime ou séductrice ou même les deux. Ce n’est pas douter de qui on est ou de qui on voudrait être. Être une femme ce n’est pas être un ange ou une peste, une croqueuse de diamants, un être sacrifié.
Être une femme c’est pouvoir. C’est entrer dans la sororité. C’est faire partie d’une force extraordinaire d’autres qui nous portent, nous inspirent et nous subliment. Être féministe c’est savoir. Savoir qu’être une femme c’est avant tout ce pouvoir d’appartenir.
Être une femme ca ne veut rien dire. Je l’ai toujours su. On ne m’en parlait que pour me définir. Idéaliser, mépriser, ranger de côté, réduire.
Je ne sais toujours pas définir cette drôle d’idée sûrement inventée par des hommes il y a des milliers d’années. Mais aujourd’hui ce mot me permet d’appartenir, de pousser les murs autour de ces quelques lettres que chacun se sent le droit voire le devoir d’interpréter. De les trouer ces murs, de les percer par endroits, les exploser parfois, les ignorer aussi.
Je suis féministe et j’y ai gagné la force des autres, le courage de m’en foutre, le pouvoir de t’aimer sans chercher à te définir.
Il y a tant d’autre mots plus beau, plus riches de sens. : amie, soeur solidaire, colère, ensemble, amour, humilité, puissance, présence…
Je suis féministe et je voudrais dire à mon enfant que le plus beau cadeau que cette petite boîte de cinq lettres m’a fait, c’est la sororité.

Oui, ce jour là j’étais optimiste.

Images. Les filles d’Agnès Rosenstiehl – éd la ville brûle.



Mamas. de Lili Sohn.

mamas« Petit précis de déconstruction de l’instinct maternel ». Avec son sous titre et ses couleurs fluos la BD de Lili Sohn attire l’œil de la femme en colère et de l’enfant aux mains pleines de feutre en moi! Enfin! Quelqu’un qui écrit que l’instinct maternel est … construit.

« Tu verras ça réveillera quelque chose en toi »
« Tu verras toutes les femmes le ressentent »
« Tu ne peux pas nier que les femmes ont un lien immédiat avec les enfants »
« Toutes les femmes aspirent à devenir mère, c’est en elle. »
« Toutes les femmes gnagnagna… »

Toute ma vie j’ai entendu ce discours. Toute ma vie (pas super longue hein, mais j’ai commencé jeune!) j’ai répété, vous n’en savez rien, PAS toutes les femmes, je verrai, laissez moi et même si je n’en veux pas ou si je ne ressens pas cette plénitude dont vous parlez ça ne fera jamais de moi – ou de qui que ce soit – une moins-femme, une moins-féminine.

Et pourtant… ça me faisait peur un peu quand même, cette injonction à ressentir NATURELLEMENT un épanouissement lié à la parentalité. L’injonction à la Nature (« tu verras ça se fera tout seul ») c’est quelque chose de particulièrement angoissant : si c’est naturel, et que je ne le ressens pas, alors… je ne suis pas normale! Si?

Mais… never judge a book by its cover, je me lance dedans avec réserve, tant d’articles aux titres révolutionnaires finissaient expliquant la (les?) faute(s?) des mères, les « réflexes » féminins liés à la maternité, bref l’instinct maternel comme évidence et (bien entendu) les femmes qui en sont dépourvues comme « manquant » quelque chose, « anormales ».

Lili Sohn commence par interroger la femme et la mère… Sont-elles forcément liées? Pourquoi sont-elles toujours associées ? Existe-t-il un choix ? (spoiler alert : oui)
Et l’autrice de nous entraîner dans les méandres de l’histoire des femmes et des hommes, de la parentalité, est-ce une vérité historique « naturelle » que les femmes s’occupaient des enfants pendant que les hommes chassaient le mammouth ? (Et vous savez quoi? C’est plus compliqué que ça!)

Au fur et à mesure du livre, au fil d’illustrations drolatiques et acidulées l’autrice se demande :

Est-ce que je trahis le féminisme ?
Est-ce que je retourne à l’état de nature?
Est-ce que je suis biologiquement programmée ?

Elle interroge aussi la pression sociale, le désir d’enfant, la place des pères, comment une femme devient mère… Et enfin ce que signifie « Faire famille » aujourd’hui, hors hétéronormativité sociale et biologie  ? Bref, est-ce que les enfants sont l’affaire des femmes?

Lili Sohn/Mamas/ castermann

 

Une Bd merveilleuse et didactique grâce à laquelle Lili Sohn m’a réconciliée avec mon féminisme et mes contradictions. Elle montre que c’est normal de vouloir être indépendante, de ne pas se sentir coupable de laisser son enfant à quelqu’un d’autre pour aller travailler, que c’est normal aussi de se sentir coupable de le laisser 20 minutes, que c’est normal de vouloir rentrer en courant respirer l’odeur de sa petite tête, où de vouloir rester au bar reprendre une bière, que c’est normal de vouloir un enfant viscéralement ou que c’est normal de ne pas en vouloir. Elle montre surtout qu’il n’y a pas de normes (et donc, une fois la réalité posée comme hors des normes… tout est normal!), il y a des constructions sociales, des hormones, des traditions, des injonctions, des envies, des peurs, des désirs, des angoisses, des évidences et des questions, bref des humains. Et ce qui est dingue (non) c’est qu’on peut même être mère et féministe, être childfree et femme, être mère et le regretter, être mère et adorer ça, aimer ses enfants et vouloir les abandonner et même… changer d’avis !

Les dessins sont drôles, faciles d’accès, le trait varie entre le cartoon pour Lili et un trait réaliste pour les infos historiques ou sociales. Les couleurs fraiches donnent un ton joyeux à l’ouvrage, qu’on dévore avec rage et ravissement.

 

Texte, dessin, couleurs : Lili Sohn

 

 

 

VERDAD de Lorena Canottiere, ou les couleurs de la vérité

Verdad, reparaçion y justicia

Guerre d’Espagne.
18.07.1936 – 01.04.1939
~ 400 000 morts

Dictature franquiste
1939-1975

Lorena Canottiere. Ici mêmeL’histoire commence dans un petit village espagnol. Retour au bercail pour Verdad. Mais pas de douceur, de mélancolie nostalgique. Quelques gestes simples, elle revient pour la guerre.

Face au franquisme, de jeunes républicain·e·s, communistes, anarchistes, résistant·e·s, prennent les armes. Cette histoire nous raconte ce combat d’un pays mais aussi la bataille personnelle de Verdad. La poursuite de l’image de sa mère partie trop tôt, la fuite de sa grand-mère incarnation carcan de l’immobilisme. La politique d’un côté, la morale de l’autre, et Verdad, la vérité, à construire. Enfin, toujours, cette image du Monte Verità, où sa mère a vécu, inventant une nouvelle manière de vivre. Cet endroit qui peu à peu devient la métaphore d’un avenir possible, l’incarnation d’un mieux. L’espoir. Objectif ? Ou mirage ?

L’histoire nous parle aussi de philosophie. Pourquoi se battre ? Comment savoir que le combat est fini ? Verdad c’est la lutte incarnée. La jeune femme est devenue résistance.

Lorena Canottiere nous attire dans son dessin au crayon grâce à une explosion de couleurs, un trait incandescent où les tons chauds se répondent à l’intérieur même des personnages. Le trait vif s’arrondit pour raconter la forêt, la montagne. Le traitement des éléments végétaux du décor évoque parfois l’art nouveau ou les estampes japonaises, il est précis et pourtant entièrement sauvage.

Par endroits, l’incendie s’éteint, s’essouffle et laisse place à de grandes planches noires et blanches avec quelques touches de rouge, de bleu. Passages proches de la fable où l’autrice s’éloigne du récit pour entrer dans l’aphorisme. Respiration.

Pour cette BD, Lorena Canottiere a reçu le Grand Prix Artemisia qui récompense chaque année  un album scénarisé et/ou dessiné par une ou plusieurs femmes afin de faire émerger les talents féminins dans le paysage de la BD aujourd’hui. Leurs sélections sont toujours très chouettes. L’année dernière, Le problème avec les femmes avait obtenu le prix Humour Artemisia, je vous en parlais ici.

Un livre incandescent qu’on a envie de relire pour le toucher des pages, la beauté lumineuse du dessin, les méandres des histoires qui se mêlent et se démêlent au fil de planches explosives et d’une écriture sobre. N’hésitez plus !

Lorena Canottiere/Ici même

Scénariste/Dessinatrice/Coloriste : Lorena Canottiere
Éditeur : Ici même
160 planches

Table ronde « les femmes sont-elles l’avenir de la BD » et le syndrome de Jimmy Hendrix

couv cahier bd 2.jpgaffiche conf femmes bd.jpgLa librairie le Merle moqueur à Paris organisait le 31 janvier avec le magazine Les cahiers de la BD une conférence sur le sujet « Les femmes sont-elles l’avenir de la BD? ». Suite à un dossier très intéressant du magazine sur ce sujet. Grande question pour répondre à laquelle étaient présent.e.s Aurélia Aurita, Pénélope Bagieu, Florence Cestac et Benoît Peeters, réunis dans une table ronde animée par Lucie Servin.

C’est le moment d’évoquer ce que j’appelle le « syndrome de Jimmy Hendrix » à défaut d’une meilleure comparaison. (Attention c’est la minute groupie, vous pouvez sauter le passage en italique si vous le souhaitez.) Très intéressée par ces problématiques et impressionnée par le travail de ces auteur.trice.s je me retrouve à la fin de la séance, sans voix. Étrange personne dansant d’un pied sur l’autre à côté de ces gens passionnants, écoutant les conversations, admirant leurs œuvres, n’osant pas aller à leur rencontre, mes questions coincées dans un coin de ma gorge car aller poser une question à Jimmy Hendrix, de but en blanc, qui oserait ?
Alors, brève parenthèse, voilà ce que j’aurais aimé dire à Benoît Peeters et Pénélope Bagieu dont je connaissais bien les œuvres. J’aime votre travail même si je n’en suis pas une spécialiste, mais il m’intimide énormément et pourtant je voulais, quand même, vous dire merci. 
Benoît Peeters, j’ai grandit avec les cités obscures, leur univers si proche et si loin, les problématiques sociales enchevêtrées aux questions urbaines les deux parfaitement mêlées au dessin et au scénario. Ces Bds sont celles qui m’ont poussée, plus grande à m’intéresser de plus près au monde de la bande dessinée.  J’aimerais en savoir plus sur la naissance de cet univers, comment se passe le travail entre scénariste et illustrateur, bref, j’aimerais tout savoir (bien sûr!)
Pénélope Bagieu, tant de personne m’ont dit grâce aux Culottées que le mot « féminisme » n’était plus un gros mot. Par ces histoires, l’invisibilisation devenait visible. Merci pour cette BD, parce qu’elle est passionnante, parce qu’elle est drôle et parce qu’elle touche tout le monde, même des gens très éloignés de l’idée que l’égalité hommes femmes puisse être un problème en France aujourd’hui. J’admire énormément ton travail.

Voilà ce qui est resté coincé dans ma gorge quand le syndrome de Jimmy Hendrix m’a rattrapée. Comment formuler ma phrase pour éviter qu’elle tombe à plat ? Quel temps avez-vous à consacrer à entendre ces éloges sans doute entendues mille fois ? Et surtout quel intérêt auraient ces éloges venues de quelqu’un qui apprécie, même qui aime votre travail mais n’a pas de légitimité dans la profession ? Donc, je n’ai rien dit. Mais je n’en pense pas moins et je continuerai à lire vos Bds avec un immense plaisir.

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Ceci étant dit, retour à la conférence. J’y ai appris peu de choses que je ne savais déjà en réalité, un peu renseignée sur le sujet, je sais qu’il est difficile d’être auteur.trice de Bds aujourd’hui et que les femmes bien que de plus en plus nombreuses sont encore peu représentées dans les prix et autres récompenses.

Un biais que Benoît Peeters a proposé de contrer par l’instauration de quotats. C’est sans doute très triste d’en arriver là, mais c’est peut être nécessaire pour faire émerger des noms de femmes dans les nominé.e.s pour les prix. Pour faire connaître les femmes autrices de BDs aujourd’hui afin que l’attribution des prix ne soit plus biaisée par l’invisibilisation d’une grande partie des créateurs (et dans ce cas, des créatrices) de bande dessinée. C’est une question difficile, mais elle mérite (et oui, c’est désolant) à ce stade d’être posée. Elle est peut être le point de départ de l’écriture d’une nouvelle histoire.

Les autrices présentes ont évoqué les difficultés du milieu, de Florence Cestac, seule femme à ce jour titulaire d’un Grand Prix d’Angoulème, à Pénélope Bagieu et Aurélia Aurista qui ont évoqué avec humour les moments gênant de leurs débuts dans la BD. Elles ont aussi parlé de l’avancée qu’à été la création du collectif d’autrices de BDs. Pas encore forcément dans les instances, mais parce qu’elles n’étaient plus seules. Et, comme pour le mouvement #Metoo aujourd’hui, partager des témoignages permet de réaliser que non, tout n’est pas normal et qu’il existe des schémas sexistes. Une fois ceux-ci identifiés, il est aussi plus facile de les confronter à plusieurs. #Sisterwood #Sororité #Bandedefilles #Thecrew #Onestensemble

Un excellent moment, très intéressant et qui m’a permis de (re)découvrir Florence Cestac et Aurélia Aurita dont j’ai hâte de (re)lire les planches !

 

Paper Girls par Brian K. Vaughan, Cliff Chiang et Matthew Wilson

urban comics

Vaughan Brian K./Chiang Cliff/urban comicsNouvel exercice, parler d’un comics. Après un petit tour sur l’Internet, je réalise qu’un grand nombre de blogueur et autre passionné·e·s/spécialistes de comics proposent des analyses de qualité extrêmement documentées de Paper Girls – Regard sur l’évolution du travail de l’auteur, analyse du dessin, …  – alors, question 1, comment me positionner parce que j’ai très très envie d’en parler !?

J’ai lu cette BD en dilettante, attirée par la couverture, par deux ou trois critiques vues passer sur les réseaux sociaux ou les fils de blogs, par le l’aspect féministe soupçonnable d’après la couverture, bref pour toutes les raisons qui font qu’un ouvrage vous trotte dans la tête pendant quelques jours, semaines, mois, avant qu’un jour vous tendiez la main vers les étagères encombrées d’une librairie et vous dirigiez vers la caisse, vite, avant d’être raisonnable.

Mon analyse ici n’est donc absolument pas professionnelle, pas forcément éclairée, mais … ayant énormément apprécié cette BD, j’ai envie d’en parler.

Ce qui m’a touchée en premier en ouvrant les premières pages, ce sont les couleurs. Nuit envoutante du dessin qui vous plonge dans les rues d’une banlieue pavillonnaire de Cleveland au cœur des années 1980.  Les traits des personnages, précis, ronds, évoquent au premier regard le monde de l’adolescence, les teenage movie et autres highschool des séries américaines.

Il est tôt. C’est Halloween. Erin, 12 ans, vérifie que sa sœur dort bien, récupère une pile de journaux, enfourche son vélo et se lance dans les rues encore endormies. Elle croisera Mac, KJ et Tiff autres livreuses sur deux roues qui roulent en équipe pour éviter les embrouilles des « adolescents », ces grands dadais qui n’ont rien de mieux à faire que d’embêter  les gamines.

Loin d’être niaises les « gamines ». La première, Mac c’est quelque chose … Première fille livreuse de journaux. Pas sa langue dans sa poche. Une légende locale à Stony Stream. Tiff, elle, s’est équipée pour la livraison : deux talkie walkie histoire de ne jamais être vraiment seule. Quant à KJ, avec sa crosse de hockey sur le dos, on la sent prête se défendre. Les quatre filles reprennent la distribution ensemble. Simples livreuses du journal local, à leur manière héroïnes du féminisme de s’être emparées de ce petit boulot habituellement réservé aux garçons.

Vaughan Brian K./Chiang Cliff/urban comics

À partir de cette rencontre, l’histoire glisse doucement d’un réalisme prégnant à un récit légèrement fantastique – au sens où des événements étranges ont lieu mais peuvent toujours s’expliquer de manière rationnelle (le doute persiste) – avant de basculer les deux pieds en avant dans un récit futuriste, carrément irréaliste. On pourrait être surpris d’un tel glissement après un incipit si ancré dans le réel, mais le passage se fait en douceur et l’incrédulité des filles, les pieds sur terre, accompagne le lecteur dans le basculement du récit.

En résumé, un comics féministe, mode teenage movie, futuriste et totalement années 80 (je ne dis jamais non à une petite ambiance Retour vers le futur). Une super lecture, des dessins magnifiques, des couleurs qui te happent au cœur de l’histoire, des personnages attachants (on est pas face à un groupe de filles mais à quatre filles bien distinctes avec leurs caractères et leurs spécialités), les péripéties sont inattendues sans laisser le lecteur ahuri, bref, un excellent moment qui se termine trop vite. Heureusement le tome 2 est déjà en librairie.

Vaughan Brian K./Chiang Cliff/urban comics


Quelques infos en rab’

Avant tout, le 4ème de couv’

Au lendemain de la célèbre fête d’Halloween, la petite ville de Stony Stream, Ohio, s’éveille. C’est du moins le cas de Mac, KJ, Tiffany et Erin, quatre jeunes livreuses de journaux. La routine des tournées matinales est enclenchée, jusqu’au moment où leur itinéraire croise celui d’un groupe d’étranges individus encapuchonnés, violents et au langage inconnu ; et d’une mystérieuse machine dont tout semble indiquer qu’elle ne viendrait pas de la Terre… Une découverte qui pourrait bien changer leur vie à jamais.

> Le premier tome en français recueille les 5 premiers chapitres de la série publiée aux États-Unis chez Image Comics.

Quelques critiques :

>> Chez The Girl Who Reads
>> Chez Rue des dames
>> Chez Ma lecturothèque
>> Chez comicsblog
>> Chez 9ème art

 

Scénario : Vaughan, Brian K.
Dessin : Chiang, Cliff
Couleurs : Wilson, Matthew
Lettrage : Moscow Eye
Couverture : Chiang, Cliff
Traduction : Manesse, Jérémy
Éditeur : Urban Comics
Planches :132

 

Chère Ijeawele, par Chimamanda Ngozi Adichie

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GallimardPas une BD aujourd’hui, un livre. Un tout petit ouvrage à mettre dans toutes les mains (oui toutes !), de toutes les personnes qui savent lire (et le lire aux autres!) : Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, de Chimamanda Ngozi Adichie. Je vous avais déjà parlé de cette auteure extraordinaire pour son livre Americanah.

Dans ce petit livre, l’auteure écrit à une de ses amie qui lui a demandé des conseils sur comment donner une éducation féministe à sa fille. Pour lui répondre, elle fait appel à son expérience : son éducation à elle, celle de ses ami•e•s, ses lectures, les discours des personnes qu’elle admire…. Ces conseils sont répartis en petits paragraphes et expliqués de manière très claire.

Le premier outil, c’est ton postulat de base, la conviction ferme et inébranlable sur laquelle tu te fondes. Quel est ce postulat ? Voici ce qui devrait être ton premier postulat féministe de base : je compte. Je compte autant. Pas « à condition que ». Pas « tant que ». Je compte autant.
Un point c’est tout.
Chère Ijaewele, Chimamanda Ngozi Adichie

L’écriture est fluide, douce et, selon moi, formule avec des expressions simples ce qui nous parait évident du point de vue de la raison, mais qui, quand on réfléchi à notre expérience, n’est pas toujours si appliqué dans la réalité, malgré toute la bonne volonté du monde que les éducateurs autour de nous peuvent mettre en œuvre.

Si je vous parle de ce livre aujourd’hui c’est que l’égalité hommes/femmes n’est pas (encore?) une réalité dans le monde, mais surtout dans notre pays développé qui se gargarise d’être la nation des droits de l’Homme (un indice?). C’est parce que ce petit livre de rien qui semble mettre l’évidence noir sur blanc agit comme une petite épine sous mon pied. Oh elle ne m’empêche pas de marcher, mais elle me rappelle à chaque pas que … quelque chose ne va pas.

Cet ouvrage ne dénonce pas, ne pointe pas du doigt, il souligne, il met en lumière, il expose, il nous démontre ce qu’au fond de nous, je pense, nous savons déjà. Et surtout, il met en évidence que si chacun fait sa part, ce n’est peut-être pas si difficile de changer nos modes de pensées et d’action.

Être féministe, c’est comme être enceinte. Tu l’es ou tu ne l’es pas. Tu crois à l’égalité pleine et entière entre les hommes et les femmes ou tu n’y crois pas.
Chère Ijeawele, Chimamanda Ngozi Adichie

Dans notre pays entre deux tours où les droits des femmes sont encore abordés sous l’angle d’ « aider les femmes à concilier vie familiale et vie professionnelle » et pas « aider les parents à conjuguer leurs vies professionnelles et familiales » il y a beaucoup à faire ! Mais quand la tâche parait si imposante, lire ce livre nous rappelle que nous pouvons aussi, chacun, agir autour de nous. Après tout, le monde s’améliorera si plein de gens intelligents et stylés donnent des éducations stylées et intelligentes à leurs enfants, non?

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Auteure : Chimamanda Ngozi Adichie
Éditeur : Gallimard
84 p. 8,50 €

Le problème avec les femmes, par Jacky Fleming

Jacky Fleming/Dargaud

Autrefois, les femmes n’existaient pas et c’est pour cela qu’elles sont absentes des livres d’histoire.

Jacky Fleming/Dargaud

Cette petite phrase ouvre Le problème avec les femmes, petite bande dessinée de Jacky Fleming qui utilise avec maestria le seconde degré pour dénoncer l’absence des femmes tout au long du récit de notre histoire.

Au fil des pages, à raison d’un dessin par page, l’auteure nous entraîne le long d’une frise chronologique particulière évoquant les génies (De Vinci, Freud, …) et leurs multiples théories sur la taille du cerveau des femmes, leurs capacités limitées, leur propension à la folie et l’hystérie.

A travers cet ouvrage, on découvre des femmes exceptionnelles (Marie de Schurman qui avait étudié presque toutes les langues, Mary Ball et son immense collection d’insectes, la marquise du châtelet qui effectuait des divisions à neuf chiffres dans sa tête, …). L’auteure ne manque pas de noter l’aspect exceptionnel de leurs réalisations vu la petitesse supposée de leur cerveau.

Une petite BD exceptionnelle qui par l’humour et l’absurde nous fait réaliser les carences du récit historique international : nous avons construit notre imaginaire collectif, nos récits nationaux, nos célébrations en oubliant systématiquement les femmes. En les oubliant, nous avons tous grandi dans l’idée que les hommes peuvent être des « génies » contrairement aux femmes chez qui c’est (bien entendu) beaucoup plus rare !  Un problème ? Oui. Si être un génie est quasiment acquis quand on est de sexe masculin, on veut bien essayer, si une femme par siècle sort de l’ordinaire, il est facile de se dire « ce n’est pas pour moi ».

L’histoire est toujours le résultat d’un choix, on met en lumière certains éléments, certaines personnes parce qu’on ne peut pas tout raconter, chacun ne peut être spécialiste de l’intégralité des époques et des pays. Cette BD questionne nos choix et nous pousse à nous interroger sur l’histoire contemporaine, comment les « génies » nous sont ils présentés ? Qui sont-ils ? De qui parle-t-on ? Quelques petites questions qui nous permettent de moins subir l’actualité mais de la regarder en faisant un pas de côté.

>> Le problème avec les femmes a reçu le Prix humour Artémisia  de la bande dessinée féminine 2017

Titre : Le problème avec les femmes
Auteure : Jacky Fleming
Editeur : Dargaud
128 p. ; 12 €